• BIDONVILLES destination à la mode

    Les bidonvilles, une destination à la mode

    Créé le 09.07.09 à 03h47 | 
    A Dharavi, le plus grand bidonville de Bombay (Inde), les touristes peuvent par exemple visiter les ateliers de tri des déchets./ J. CHRISTIE / SIPA
    A Dharavi, le plus grand bidonville de Bombay (Inde), les touristes peuvent par exemple visiter les ateliers de tri des déchets.

    TOURISME - Boosté par le succès du film Slumdog Millionaire, les voyages au centre de la misère font recette...

    Respirer l'odeur d'un bidonville, enjamber ses tas d'ordures, se faufiler entre les ateliers de tri des déchets... Malgré les accusations de voyeurisme, cette expérience, proposée en Inde depuis 2006 par la société Reality Tours and Travel pour 400 roupies (5,90 euros), séduit de plus en plus de voyageurs. Le Britannique Chris Way, son cofondateur, propose des excursions à Dharavi, le plus grand bidonville de Bombay, qui a servi de décor au long métrage de Danny Boyle, Slumdog Millionaire. «Le film nous a permis d'augmenter le nombre de visites d'environ 30%», affirme Chris Way. En mars, 618 touristes ont payé l'excursion, soit 40 % de plus qu'en 2008.

    Avec ou sans film, le «slum tourism» (tourisme des bidonvilles) est une pratique en augmentation dans le monde entier. Le township de Soweto, à Johannesbourg, symbole de l'apartheid, fait désormais partie des dix sites les plus visités d'Afrique du Sud. A Rio de Janeiro, au Brésil, Favela Tour, l'entreprise pionnière, accueille en moyenne 850 touristes par mois, à 23 euros la visite. Ils n'étaient que 250 il y a dix ans. «Cette année, nous avons une croissance de 15% malgré la crise et la concurrence», se félicite son dirigeant, Marcelo Armstrong.

    «Ces excursions donnent l'illusion de montrer la réalité sociale»

    Selon Chris Way, les deux tiers de ses clients voyagent sac au dos, à l'écart des circuits organisés. «Ces excursions profitent des nouvelles tendances du tourisme, analyse Rémy Knafou, directeur de l'équipe de recherche Mobilité, itinéraires et territoires à l'université Paris-VII. Le "bronzage idiot" dans l'enceinte de l'hôtel est dissuadé au profit de la rencontre avec les habitants.» Selon le chercheur, qui a assisté à une visite organisée dans une favela de Rio, il s'agit avant tout de produits touristiques. «Ces excursions donnent l'illusion de montrer la réalité sociale, mais le guide sert d'intermédiaire. Les côtés les plus durs ne sont pas montrés.»

    «Les visiteurs voient un aspect des bidonvilles qu'ils n'imaginent pas, explique Chris Way. Les gens sont pauvres, mais optimistes, travailleurs et heureux. Ils nous rendent humbles.» Suivant le modèle du Favela Tour, Reality Tours and Travel compte reverser 80% de ses profits à la population. Il ne fait pas encore de bénéfices, mais a payé, en avance sur recettes, un centre humanitaire au coeur du bidonville. De quoi être accepté par les habitants et donner bonne conscience aux visiteurs. Quelques règles doivent cependant être respectées pour éviter que l'expérience ne tourne au safari: les appareils photo sont interdits et les groupes sont limités à six personnes. «Ces désagréments sont plus que compensés par les ressources que cela apporte à des gens qui en ont besoin», retient Rémy Knafou.

    Pierre Boisselet